MONOGRAPHIE DE VIGNACOURT

par l'abbé Ed. Jumel, curé de Bourdon

Amiens - 1868

 
IX. L'Eglise de Vignacourt.

Les documents anciens constatent l'existence d'une église à Vignacourt, avant la fondation du Chapitre, c'est-à-dire vers le milieu du XIIe siècle. A cette époque, l'église servait exclusivement au service de la paroisse, et selon toute probabilité elle appartenait aux châtelains d'Amiens, seigneurs du lieu. Rénault, l'un de ces châtelains, ayant conçu le projet de fonder un chapitre, ne crut pas devoir bâtir une nouvelle église, mais disposa de celle qui existait, pour les chanoines ; en sorte que l'église devint tout à la fois paroissiale et canoniale. Cependant, la messe capitulaire demeura distincte de la messe paroissiale, jusqu'en 1728, époque à laquelle elles furent réunies par une ordonnance de Monseigneur Sabbatier, ainsi que nous l'avons dit plus haut.
D'après un plan conservé aux Archives départementales et que nous avons sous les yeux, l'avant-choeur de l'église était réservé exclusivement aux chanoines, qui avaient leurs stalles rangées de chaque côté. De plus, les chanoines avaient sur la gauche, et en face de la sacristie, une salle capitulaire assez vaste, pour les réunions et les conférences. Ajoutons, que les nefs latérales se terminaient par deux chapelles et nous aurons une idée de l'église primitive de Vignacourt.
L'une de ces chapelles avaient été fondée au mois de mars 1279 par Guillaume de Macon, Evêque d'Amiens, avec le revenu des préhendes qui n'avaient pas été remplies. Pour cet effet, il assigna à la chapelle 12 journaux de bois, assis en pierre élevée, en une pièce située derrière la ville de Vignacourt et touchant d'un côté au bois Grenier, et de l'autre aux Courtiaux de Vignacourt. (Dom Grenier, part. 9, page 60.) Ils avaient été donnés par un appelé Riquier, de Saint-Riquier, chanoine de cette église, (Cart. Rouge, fol. 324), pour former une préhende. Etienne de Macon, en fut le premier pourvu.
Parmi les conditions imposées au titulaire, l'une d'elles était ainsi conçue : " Si le possesseur de cette préhende n'est pas prêtre, il doit avoir un vicaire, qui célèbrera la messe pour la fondation, trois fois la semaine. "
L'église primitive de Vignacourt fut incendiée en 1517. Reconstruite immédiatement après cet accident, elle essuya de si grands désastres pendant les guerres des Espagnols qu'on dut réparer entièrement le choeur et le clocher en 1663. En effet, une sentence du Maître des requêtes du palais, rendue le 7 décembre 1663, déclare que le Collège d'Amiens et le Chapitre sont tenus de réparer le choeur, la sacristie et le clocher de l'église de Vignacourt. En 1693, suivant un traité passé par-devant Me Louette, notaire, le 14 juillet, tous les décimateurs, pour éviter la ruine totale de l'église, qui se trouvait dans un état de délabrement, se décidèrent à réparer le choeur, la nef, les deux chapelles et la sacristie. -- Le Chapitre d'Amiens contribua pour 2/5 ; les habitants pour 1/5 et les autres pour 2/5. (Arch. départ.)
Au moment de la Grande Révolution, alors que le culte catholique était interdit dans toutes les paroisses, les habitants de Vignacourt, pour sauver leur église d'une ruine complète, s'imposèrent de grands sacrifices, ainsi qu'on peut le constater par la délibération suivant conservée dans les archives de la commune : Ce jourd'hui dix-sept germinal, le Corps municipal et le Conseil général assemblés en séance, sur la motion faite par le citoyen J.-B. Joly, maire, que le bâtiment cy-devant église de cette commune était dans un état de délabrement qui menace la ruine totale d'y celuy, qu'il serait à propos d'y faire faire les réparations les plus urgentes, pour la conserver au cas de besoin, ont décidé, etc., etc.
Il faut croire que les réparations exécutées furent bien insuffisantes, car en 1817, le clocher s'effrondra et entraîna dans sa chute une partie de l'édifice. La population dut alors s'imposer des nouveaux sacrifices pour sa reconstruction, qui ne dura pas moins de six ans. La bénédiction eut lieu le 17 décembre 122, et fut l'objet d'une cérémonie extraordinaire, qui est racontée en ces termes par la Gazette de France :
" La commune de Vignacourt vient d'être témoin d'une solennité religieuse, dont les habitants conserveront à jamais le souvenir. Depuis six ans son église paroissiale, grand et beau vaisseau de style gothique, n'offrait plus, par suite de l'écroulement du clocher, qu'un triste amas de ruines ; et une population de 2.500 âmes gémissait d'être privée du temple où naguère elle allait déposer ses voeux et ses prières. Un tel état de choses ne pouvait subsister plus longtemps sous le règne du Roi très-chrétien. A l'aide de secours accordés tant par le Gouvernement que par le Conseil général du département et surtout au moyen de la contribution spontanément votée par les habitants (environ 5.000 francs), l'église de Vignacourt vient d'être reconstruite sur un plan d'une noble simplicité et la bénédiction en a été faite le 17 décembre par Monseigneur de Chabons, récemment nommé à l'Evêché d'Amiens, qui, à peine installé dans son diocèse et nonobstant la faiblesse de sa santé, n'a pris conseil que de son zèle pour se rendre aux voeux de cette portion de ses ouailles. Monseigneur l'Evêque était accompagné de M. l'abbé de Coussergues, son premier vicaire général, archidiacre de Beauvais, et de M. l'abbé Clabault, secrétaire de l'Evêché."
"La bénédiction de l'église a été suivie de celle de trois nouvelles cloches, dont l'acquisition est généralement due à la généreuse piété des habitants. Au nombre des parrains des cloches, on remarquait M. le chevalier d'Argent, maire de la ville d'Amiens, M. Godard-Dubuc, chevalier de l'ordre royal de la Légion d'honneur, sous-intendant militaire de la maison du Roi, et le principal bienfaiteur de l'église, etc., etc." (Gazette de France, 12 janvier 1823).
Malgré les fautes énormes commises par M. Dumoulin, architecte sans goût et sans aucune connaissance de l'art chrétien, dans la reconstruction de l'église, elle offre un coup d'oeil agréable, grâce à la richesse de ses vitraux, de son autel, de son jeu d'orgue. On y remarque surtout une table en pierre, désignée par les habitants du nom de Notre-Dame-de-Lorette, sur laquelle la Vierge est représentée avec ses divers attributs : la Tour, l'Etoile, la Porte, à peu près comme à Montdidier, c'est-à-dire au milieu des nuages et semblant planer sur les villes et les campagnes, qu'on distingue sous ses pieds. On ne compte guère que trois pierres semblables dans le département de la Somme. Au moment de la restauration de l'église, l'entrepreneur des travaux s'étant emparé de cette pierre, les habitants furieux se jetèrent sur lui et le forcèrent à la restituer.
Les titres anciens constatent encore l'existence d'une chapelle de saint Nicolas, connue sous le nom de Notre-Dame Marie Lenoir, ainsi nommée à cause de Jean Du Bosquet, doyen de Vignacourt, qui la fonda pour le repos de dame Marie Lenoir, sa soeur. Il acheta, à cet effet, au mois de septembre 1284, trente journaux de terre à Bernard d'Amiens, chevalier, avec l'agrément de Dreux, Vidame d'Amiens, seigneur de Vignacourt. Cette acquisition fut amortie par Jean, sire de Picquigny. La chapelle jouissait d'un revenu de 60 livres et avait pour patron l'Evêque d'Amiens et pour collateur le seigneur du lieu. (Invent. de l'Evêché, fol. 116).
Cette chapelle fut unie au Collège des RR. PP. Jésuites d'Amiens, le 19 avril 1608, et la réunio confirmée par une bulle du Pape Paul V, du 1er décembre 1608.
(Pouillé de 1736.-- Invent. des titres du Collège, p. 38et 102.-- Titres du Collège, E. 3.-- Darsy, Bénéf. de l'Eglise d'Am., t. I.)

introduction
I. origine, situation, division territoriale, foires et marchés, etc.
II. Vignacourt sous les Normands et les Croisades. (879-1096-1250.)
III Vignacourt pendant les sièges de Picquigny, Amiens et Corbie. (1470-1597-1636.)
IV Vignacourt sous les chevaliers de Malte. (1601-1697.)
V. Etablissement de la commune à Vignacourt.-- Administration.
VI. Maladrerie - Ecoles communales.
VII. Paroisse et Doyenné de Vignacourt.
VIII. Chapitre de Saint-Firmin de Vignacourt.
X. Seigneurie de Vignacourt.

 

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