IX. L'Eglise de Vignacourt.
Les documents anciens constatent l'existence d'une église à
Vignacourt, avant la fondation du Chapitre, c'est-à-dire vers le
milieu du XIIe siècle. A cette époque, l'église servait
exclusivement au service de la paroisse, et selon toute probabilité
elle appartenait aux châtelains d'Amiens, seigneurs du lieu. Rénault,
l'un de ces châtelains, ayant conçu le projet de fonder un
chapitre, ne crut pas devoir bâtir une nouvelle église, mais
disposa de celle qui existait, pour les chanoines ; en sorte que l'église
devint tout à la fois paroissiale et canoniale. Cependant, la messe
capitulaire demeura distincte de la messe paroissiale, jusqu'en 1728, époque
à laquelle elles furent réunies par une ordonnance de Monseigneur
Sabbatier, ainsi que nous l'avons dit plus haut.
D'après un plan conservé aux Archives départementales
et que nous avons sous les yeux, l'avant-choeur de l'église était
réservé exclusivement aux chanoines, qui avaient leurs stalles
rangées de chaque côté. De plus, les chanoines avaient
sur la gauche, et en face de la sacristie, une salle capitulaire assez vaste,
pour les réunions et les conférences. Ajoutons, que les nefs
latérales se terminaient par deux chapelles et nous aurons une idée
de l'église primitive de Vignacourt.
L'une de ces chapelles avaient été fondée au mois de
mars 1279 par Guillaume de Macon, Evêque d'Amiens, avec le revenu
des préhendes qui n'avaient pas été remplies. Pour
cet effet, il assigna à la chapelle 12 journaux de bois, assis en
pierre élevée, en une pièce située derrière
la ville de Vignacourt et touchant d'un côté au bois Grenier,
et de l'autre aux Courtiaux de Vignacourt. (Dom Grenier, part. 9, page 60.)
Ils avaient été donnés par un appelé Riquier,
de Saint-Riquier, chanoine de cette église, (Cart. Rouge, fol. 324),
pour former une préhende. Etienne de Macon, en fut le premier pourvu.
Parmi les conditions imposées au titulaire, l'une d'elles était
ainsi conçue : " Si le possesseur de cette préhende n'est
pas prêtre, il doit avoir un vicaire, qui célèbrera
la messe pour la fondation, trois fois la semaine. "
L'église primitive de Vignacourt fut incendiée en 1517. Reconstruite
immédiatement après cet accident, elle essuya de si grands
désastres pendant les guerres des Espagnols qu'on dut réparer
entièrement le choeur et le clocher en 1663. En effet, une sentence
du Maître des requêtes du palais, rendue le 7 décembre
1663, déclare que le Collège d'Amiens et le Chapitre sont
tenus de réparer le choeur, la sacristie et le clocher de l'église
de Vignacourt. En 1693, suivant un traité passé par-devant
Me Louette, notaire, le 14 juillet, tous les décimateurs, pour éviter
la ruine totale de l'église, qui se trouvait dans un état
de délabrement, se décidèrent à réparer
le choeur, la nef, les deux chapelles et la sacristie. -- Le Chapitre d'Amiens
contribua pour 2/5 ; les habitants pour 1/5 et les autres pour 2/5. (Arch.
départ.)
Au moment de la Grande Révolution, alors que le culte catholique
était interdit dans toutes les paroisses, les habitants de Vignacourt,
pour sauver leur église d'une ruine complète, s'imposèrent
de grands sacrifices, ainsi qu'on peut le constater par la délibération
suivant conservée dans les archives de la commune : Ce jourd'hui
dix-sept germinal, le Corps municipal et le Conseil général
assemblés en séance, sur la motion faite par le citoyen J.-B.
Joly, maire, que le bâtiment cy-devant église de cette commune
était dans un état de délabrement qui menace la ruine
totale d'y celuy, qu'il serait à propos d'y faire faire les réparations
les plus urgentes, pour la conserver au cas de besoin, ont décidé,
etc., etc.
Il faut croire que les réparations exécutées furent
bien insuffisantes, car en 1817, le clocher s'effrondra et entraîna
dans sa chute une partie de l'édifice. La population dut alors s'imposer
des nouveaux sacrifices pour sa reconstruction, qui ne dura pas moins de
six ans. La bénédiction eut lieu le 17 décembre 122,
et fut l'objet d'une cérémonie extraordinaire, qui est racontée
en ces termes par la Gazette de France :
" La commune de Vignacourt vient d'être témoin d'une solennité
religieuse, dont les habitants conserveront à jamais le souvenir.
Depuis six ans son église paroissiale, grand et beau vaisseau de
style gothique, n'offrait plus, par suite de l'écroulement du clocher,
qu'un triste amas de ruines ; et une population de 2.500 âmes gémissait
d'être privée du temple où naguère elle allait
déposer ses voeux et ses prières. Un tel état de choses
ne pouvait subsister plus longtemps sous le règne du Roi très-chrétien.
A l'aide de secours accordés tant par le Gouvernement que par le
Conseil général du département et surtout au moyen
de la contribution spontanément votée par les habitants (environ
5.000 francs), l'église de Vignacourt vient d'être reconstruite
sur un plan d'une noble simplicité et la bénédiction
en a été faite le 17 décembre par Monseigneur de Chabons,
récemment nommé à l'Evêché d'Amiens, qui,
à peine installé dans son diocèse et nonobstant la
faiblesse de sa santé, n'a pris conseil que de son zèle pour
se rendre aux voeux de cette portion de ses ouailles. Monseigneur l'Evêque
était accompagné de M. l'abbé de Coussergues, son premier
vicaire général, archidiacre de Beauvais, et de M. l'abbé
Clabault, secrétaire de l'Evêché."
"La bénédiction de l'église a été
suivie de celle de trois nouvelles cloches, dont l'acquisition est généralement
due à la généreuse piété des habitants.
Au nombre des parrains des cloches, on remarquait M. le chevalier d'Argent,
maire de la ville d'Amiens, M. Godard-Dubuc, chevalier de l'ordre royal
de la Légion d'honneur, sous-intendant militaire de la maison du
Roi, et le principal bienfaiteur de l'église, etc., etc." (Gazette
de France, 12 janvier 1823).
Malgré les fautes énormes commises par M. Dumoulin, architecte
sans goût et sans aucune connaissance de l'art chrétien, dans
la reconstruction de l'église, elle offre un coup d'oeil agréable,
grâce à la richesse de ses vitraux, de son autel, de son jeu
d'orgue. On y remarque surtout une table en pierre, désignée
par les habitants du nom de Notre-Dame-de-Lorette, sur laquelle la Vierge
est représentée avec ses divers attributs : la Tour, l'Etoile,
la Porte, à peu près comme à Montdidier, c'est-à-dire
au milieu des nuages et semblant planer sur les villes et les campagnes,
qu'on distingue sous ses pieds. On ne compte guère que trois pierres
semblables dans le département de la Somme. Au moment de la restauration
de l'église, l'entrepreneur des travaux s'étant emparé
de cette pierre, les habitants furieux se jetèrent sur lui et le
forcèrent à la restituer.
Les titres anciens constatent encore l'existence d'une chapelle de saint
Nicolas, connue sous le nom de Notre-Dame Marie Lenoir, ainsi nommée
à cause de Jean Du Bosquet, doyen de Vignacourt, qui la fonda pour
le repos de dame Marie Lenoir, sa soeur. Il acheta, à cet effet,
au mois de septembre 1284, trente journaux de terre à Bernard d'Amiens,
chevalier, avec l'agrément de Dreux, Vidame d'Amiens, seigneur de
Vignacourt. Cette acquisition fut amortie par Jean, sire de Picquigny. La
chapelle jouissait d'un revenu de 60 livres et avait pour patron l'Evêque
d'Amiens et pour collateur le seigneur du lieu. (Invent. de l'Evêché,
fol. 116).
Cette chapelle fut unie au Collège des RR. PP. Jésuites d'Amiens,
le 19 avril 1608, et la réunio confirmée par une bulle du
Pape Paul V, du 1er décembre 1608.
(Pouillé de 1736.-- Invent. des titres du Collège, p. 38et
102.-- Titres du Collège, E. 3.-- Darsy, Bénéf. de
l'Eglise d'Am., t. I.)
introduction
I. origine,
situation, division territoriale, foires et marchés, etc.
II. Vignacourt
sous les Normands et les Croisades. (879-1096-1250.)
III Vignacourt
pendant les sièges de Picquigny, Amiens et Corbie. (1470-1597-1636.)
IV Vignacourt
sous les chevaliers de Malte. (1601-1697.)
V. Etablissement
de la commune à Vignacourt.-- Administration.
VI. Maladrerie
- Ecoles communales.
VII. Paroisse
et Doyenné de Vignacourt.
VIII. Chapitre
de Saint-Firmin de Vignacourt.
X. Seigneurie
de Vignacourt.