MONOGRAPHIE DE VIGNACOURT
par l'abbé Ed. Jumel, curé de Bourdon
Amiens - 1868
VII. Paroisse et Doyenné de Vignacourt.
Nous aimerions à dégager de leurs ténèbres les commencements de la foi
chrétienne dans la paroisse de Vignacourt ; mais l'histoire et les traditions
sont muettes à ce sujet. Notre curiosité ne rencontre que le silence et la nuit
; et lorsque nous commençons à soulever le voile pour connaître l'origine de
cette paroisse, placée sous le patronage de Saint-Firmin, premier Evêque
d'Amiens, aucun document certain ne nous autorise à penser qu'elle fut
évangélisée par cet Apôtre des Gaules.
La paroisse de Vignacourt de l'archidiaconé d'Amiens et du doyenné de
Picquigny, appartenait dans l'origine à l'Evêque d'Amiens, qui avait seul le
droit de Patronage.
D'après une bulle éditée le 16 des calendes de février 1281, le Pape Martin V
confirme à Guillaume de Macon, Evêque d'Amiens et à ses successeurs, le droit
de Patronage de la cure et certains autres droits, qui leur auraient été
concédés par Dreux d'Amiens, seigneur de Vignacourt, suivant la tenue même de
la bulle Jus Patronatus Ecclesioe Vinacurtensis ac etiam nonnubla jura alia
quoe obtinere dicebatur in eâdem Ecclesiâ. (Arch. départ.)
Nous croyons cependant que le droit de Patronage de l'Evêque est antérieur à
cette époque, car le titre même de fondation du chapitre, en 1216, fait mention
de six droits comme appartenant déjà à l'Evêque, ainsi que nous pourrons le
constater plus tard.
En 1318, Jean de Varennes, châtelain de Vinacourt, suivant la louable coutume
de ses prédécesseurs, remit également à l'Evêque ke même droit de Patronage,
ainsi que la collation des prébendes, chapelles et autres bénéfices de la
dépendance de Vinacourt.
Le gros de la cure anciennement valait 600 livres et consistait en une portion
canoniale ; mais le Cure-Doyen qui occupait la seconde stalle au choeur était
tenu à l'office canonial.
Selon le Pouillé de l'Archidiaconé d'Amiens, fol. 402, les gros décimateurs de
la cure étaient :
1e l'Eveque d'Amiens. Il jouissait d'une fraction des grosses et menues dîmes ;
mais cette part était bien minime, puisqu'elle n'était louée en 1677 que 30
livres.
2e Le chapitre de la Cathédrale. Une sentence du bailliage d'Amiens, à la date
du 31 mai 1684 reconnaît au chapitre de la cathédrale le droit de dîme à 7 du
cent sur 200 journaux de terre en trois pièces.
3e Le chapitre de Saint-Mathieu de Fouilloy. Il possédait 28 journaux de terre
à Vignacourt, affermés moyennant 50 setiers de blé, 130 livres. -- 50 setiers
d'avoine, 75 livres et 30 livres en argent. (Cart. de Fouilloy, fol. 57.)
4e Le chapitre de Saint-Firmin de Vignacourt. Il jouissait d'un revenu de 3 à
4.000 livres tant en dîmes, qu'en terres, maisons et prébendes. (Cart. du
Chapitre.)
5e L'abbaye de Saint-Jean d'Amiens. Cette abbaye, de l'ordre des Prémontrés,
avait été fondée en 1115 par Mathilde, femme de Guy, seigneur de Vignacourt et
possédait à Vignacourt de grands biens qui lui avaient donnés par les
seigneurs. (Cart. de Saint-Jean.)
6e L'abbaye de Notre-Dame du Gard, possédait à Vignacourt environ 330 journaux
tant en terres qu'en pourpris, situés près de la forêt et connus sous le nom de
ferme de Ligny. (Cart. du Gard. I. 4.)
7e Le Prieuré de Saint-Ausbert de Boves. Il percevait un tiers des dîmes sur
200 journaux de terre à 7 du cent. (Darsy. --Bénef. de l'Eglise d'Am. I.)
8e Le Prieuré de Saint-Léger de Flixecourt. Il percevait un tiers des grosses
et menues dîmes sur le terroir de Vignacourt en partie. (Cart. du Prieuré de
Flix. Arch. départ.)
9e Le Prieuré de Notre-Dame de Moreaucourt. Il percevait des dîmes, affermées
moyennant 26 setiers de blé, évaluées 218 livres 8 sols ; plus en argent 60
livres (Titres de Moreaucourt.)
Tous ces gros décimateurs de la cure de Vignacourt devaient participer, chacun
selon leur part, à l'entretien de l'église. Nous voyons, en effet, qu'en 1693,
tous les décimateurs, pour éviter la ruine totale de l'église, décidèrent entre
eux de réparer le choeur, la nef, les deux chapelles et la sacristie. Le
chapitre d'Amiens contribua pour les deux tiers de la dépense. Comme la
paroisse de Vignacourt était la plus importante du canton, et par l'étendue de
son territoire et par sa population, l'Evêque d'Amiens la fit desservir dans
l'origine par un doyen.
Un grand nombre de chartes de l'abbaye de saint Jean d'Amiens, nous assurent
que, dès 1160, il y avait un doyen à Vignacourt.
Le cartulaire de l'abbaye de Bertaucourt fait mention d'un appelé Wibert,
doyen de Vignacourt, dont le nom figure dans un contrat de vente passé en 1237,
entre la paroisse et l'abbaye.
Le Pouillé de 1300 désigne Vignacourt comme chef-lieu du doyenné et place dans
son ressort : 30 cures, 1 chapitre, 5 prieurés, 1 abbaye, 1 personnat et 7
chapelles vicariales.
D. Grenier, dans ses notes manuscrites sur Vignacourt, affirme que ce doyenné
fut formé du démembrement de celui de Doullens, qui avait alors une trop grande
étendue.
Voici le nom des paroisses qui, d'après les Pouillés de 1300, 1648, 1736, et
1772, composaient le doyenné de Vignacourt.
1e Argoeuves, dédiée à saint Martin, avait pour patron l'abbé de
Saint-Acheul.
2e Avernas et Wargnies, dédiées à saint Georges et Notre-Dame, avaient pour
patrons le collège d'Amiens et le prieuré de Flixecourt.
3e Belloy-sur-Somme, dédiée à saint Nicolas, avait pour patron l'abbé du Gard.
4e Bertangles, dédiée à saint Vincent, avait pour patron le collège d'Amiens.
5e Berteaucourt, dédiée à saint Nicolas, avait pour patron l'Abbesse de
Berteaucourt.
6e Béthencourt-Saint-Ouen, dédiée à saint Ouen, avait pour patron le personnat
du lieu.
7e Bourdon, dédiée à saint Martin, avait pour patron l'Evêque d'Amiens.
8e Canaples, dédiée à saint Nicolas, avait pour patron l'Evêque d'Amiens, comme
abbé de Saint-Martin-aux-Jumeaux.
9e Candas, dédiée à saint Jean-Baptiste, avait pour patron le chapitre de saint
Nicolas d'Amiens.
10e La Chaussée, dédiée à saint Martin, avait pour patron le chapitre de
Picquigny.
11e Coisy, dédiée à Notre-Dame de la Nativité, avait pour patron l'abbé de
Corbie.
12e Fieffes et Bonneville, dédiées à saint Pierre, avaient pour présentateur le
Commandeur du lieu, et pour collateur l'Evêque d'Amiens.
13e Fienvillers, dédiée à Notre-Dame de l'Assomption, avait pour patron le
Commandeur du lieu.
14e Flesselles, dédiée à saint Eustache, avait pour patrons le Collège
d'Amiens, le Prieur de Flixecourt et le Prieur de Gouy.
15e Flixecourt, dédiée à saint Léger, avait pour patron le Collège d'Amiens.
16e Halloy-lès-Pernois, dédiée à saint Quentin, avait pour patron l'abbesse de
Berteaucourt.
17e Yseux, dédiée à saint Cyr et sainte Julitte, avait pour patron l'abbé du
Gard.
18e Longpré-lès-Amiens, dédiée à saint Léger, avait pour patron l'abbé de
Saint-Fuscien.
19e Montrelet, dédiée à sainte Madeleine puis à saint Mauguille, avait pour
patron l'abbesse de Berteaucourt.
20e Montonvillers, dédiée à saint Antoine, avait pour patron l'Evêque.
21e Naours, dédiée à saint Martin, avait pour patron l'abbé de Corbie.
22e Olincourt, dédiée à Notre-Dame, avait pour patron l'abbé de Saint-Jean
d'Amiens.
23e Pernois, dédiée à saint Martin, avait pour patron l'Evêque d'Amiens.
24e Poulainville, dédiée à saint Pierre, avait pour patron l'Evêque d'Amiens.
25e Saint-Ouen, dédiée à saint Ouen, avait pour patron l'Evêque d'Amiens.
26e Saint-Sauveur, dédiée à saint Sauveur et à la Trinité, avait pour patron
l'abbé de Saint-Acheul.
27e Saint-Waast-en-Chaussée, dédiée à saint Wast, avait pour patron le Chapitre
de Picquigny.
28e Talmas, dédiée à saint Albin, avait pour patron le Chapitre de la
Cathédrale.
29e Vaux-en-Amiénois, dédiée à saint Firmin, avait pour patron le Chapitre de
la Cathédrale.
30e La Vicogne, dédiée à saint Eloi, avait pour patron l'Evêque d'Amiens.
31e Villers-Bocage, dédiée à saint Georges, avait pour patron l'Evêque
d'Amiens.
32e Vignacourt, dédiée à saint Firmin, martyr, avait pour patron l'Evêque (voir
note 2).
Les paroisses de Longpré et Naours furent réunies au doyenné de Vignacourt en
1730, et portèrent à trente-deux le nombre des cures dépendantes du doyenné. Au
moment de la grande Révolution, le doyenné fut démembré et Vignacourt, réduit
au rang de cure, fut rattaché au doyenné de Picquigny.
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(2) Le patron ou collateur, en termes de jurisprudence, est celui qui a fondé
ou doté une église ou un bénéfice, et qui s'est réservé le droit de patronage.
On distinguait autrefois deux sortes de patrons, le patron laïque et le patron
ecclésiastique. Le patron laïque pouvait nommer au bénéfice dans les quatre
mois et pouvait varier dans quatre autres mois ; le patron ecclésiastique avait
six mois pour présenter et ne pouvait jamais varier.
introduction
I. origine, situation, division
territoriale, foires et marchés, etc.
II. Vignacourt sous les Normands
et les Croisades. (879-1096-1250.)
III Vignacourt pendant les
sièges de Picquigny, Amiens et Corbie. (1470-1597-1636.)
IV Vignacourt sous les
chevaliers de Malte. (1601-1697.)
V. Etablissement de la commune à
Vignacourt.-- Administration.
VI. Maladrerie - Ecoles
communales.
VIII. Chapitre de Saint-Firmin
de Vignacourt.
IX. L'église de Vignacourt.
X. Seigneurie de Vignacourt.