MONOGRAPHIE DE VIGNACOURT

par l'abbé Ed. Jumel, curé de Bourdon

Amiens - 1868

 
VI. Maladrerie. -- Ecoles communales.

L'établissement de la Maladrerie à Vignacourt remonte au commencement du XIIIe siècle et a pour principal fondateur Rénault d'Amiens, seigneur du lieu, qui, en cette circonstance, prêta son concours à l'échevinage en donnant une grande quantité de terres, pour le soulagement des malades et le salut de son âme.
La Maladrerie avait une certaine importance, car, sans compter les terres affermées, elle comportait une masure amasée de maisons, un manoir, jardin et autres dépendances d'une contenance de 5 journaux et demi. Il y avait de plus une chapelle affectée au service religieux des malades, qui jouissait d'une rente de trente livres. Le prêtre qui la desservait était tenu à célébrer chaque semaine deux messes à l'intention des donateurs et bienfaiteurs.
Cet établissement, qui par la suite fut confié aux religieux de Saint-Lazare et du Mont-Carmel, fut administré jusqu'au XVIIe siècle par des simples particuliers, auxquels l'échevinage l'affermait moyennant une redevance annuelle de xj livres, et à la charge de nourrir, entretenir les lépreux dudit lieu et loger une nuiy tous les lépreux passants, ainsi qu'on peut s'en convaincre par la teneur du présent bail passé le 23 octobre 1492.
" A tous ceux qui ces présentes lettres verront ou auront, les mayeur, eschevins, communauté et habitants de la ville de Vignacourt, salut. Sçavoir faisons que pour l'utilité et proffits communs d'icelle ville et de l'échevinage et par la délibération du conseil et advis de plusieurs notables personnes d'icelle ville, pour ce par nous évoquez et appelez, nous avons baillé, et par la teneur de ces présentes, baillons à ferme et cense à Antoine Delasalle et Maroye, sa femme, les maisons, manoir, jardin et toutes les terres labourables appartenantes et dépendantes de la maison et maladrerie dudit lieu de Vinacourt, tout ainsi que se comporte et s'étend sit à camp ou ville, pour par iceux conjoints Antoine Delasalle et sa femme Maroye, jouir et posséder tous fruits, revenus, émoluments et proffits, leurs deux vies durantes et la vie de cellui qui, après leur trépas, serait leur héritier, sous les conditions et par la manière ci-après déclarée. C'est à sçavoir que iceux conjoints Antoine et sa femme et leurs héritiers seront tenus durant leur vie de tenir, maintenir et entretenir les dommages de carpenterie et maçonnerie et autres choses nécessaires bien et suffisamment toutes les maisons et édifices de la maison de Saint-Ladre, excepté le puits d'icelle, etc.
"Jusqu'en 1695 la commune resta en possession des biens et revenus de la Maladrerie, mais à cette époque, en vertu d'un arrêté du roi, ils furent réunis à l'Hôtel-Dieu de Picquigny.
Nous reproduisons ici cet arrêté pour l'importance du fait et parce qu'il est peu connu.
"Minute du conseil privé du roi. -- Veu par le roy en son conseil, les avis du sieur Evêque d'Amiens et du sieur Bignon, conseiller de Sa Majesté en ses conseils, maître des requêtes ordinaires de son hôtel, intendant et commissaire départi en la généralité d'Amiens sur l'emploi à faire au proffit des pauvres, des biens et revenus des maladreries, hôpitaux et Hôtel-Dieu y mentionnés du diocèse d'Amiens en exécution de l'édit et des déclarations des mois de mars, avril et août mil six cent quatre-vingt treize.
Ouy le rapport du sieur de Fourmy, conseiller d'Etat, et suivant l'avis des sieurs commissaires députés par Sa Majesté pour l'exécution des dits édicts et déclarations.
 Et tout considéré,
le roy en son conseil, en exécution des édicts et déclarations a ordonné et ordonne que l'hospitalité sera rétablie dans l'Hôtel-Dieu de Picquigny auquel Sa Majesté a uni et unit ses biens et revenus de la maladrerie dudit lieu et des maladreries de Molliens-le-Vidame, Flichecourt, Vinacourt, Saint-Sauveur, Fourdrinoy et du Quesnoy, pou en jouir et de ceux dudit Hôtel-Dieu de Picquigny à commencer du premier du présent mois et estre ces revenus employés à la nourriture et entretien des pauvres malades, qui seront reçus audit Hôtel-Dieu à la charge de satisfaire aux prières et services de fondation dont peuvent estre tenus lesdicts Hôtel-Dieu et ces dictes maladreries et de recevoir les pauvres malades de Molliens-Vidame, Flichecourt, Vinacourt, Saint-Sauveur, Fourdrinoy et du Quesnoy à proportion des revenus des maladreries desdicts lieux et sera ledict Hôtel-Dieu régi et gouverné par des administrateurs de la qualité portée par ces ordonnances et suivant les statuts et règlements qui seront faicts ; et en conséquence ordonne Sa Majesté que les titres et papiers concernant le dict Hôtel-Dieu et les dictes maladreries, biens et revenus et dépendances qui peuvent estre en la possession de M. Jean-Baptiste Macé, cy-devant greffier de la chambre royale aux archives de l'ordre de Saint-Lazare et entre les mains des commis et préposés par le sieur intendant et commissaire départi en la généralité d'Amiens mesme en celles des chevaliers dudit ordre leurs agents, commis et fermiers ou autres qui jouissaient des dicts biens et revenus avant l'édit du mois de mars mil six cent quatre-vingt treize, seront délivrés aux administrateurs dudit Hôtel-Dieu, à ce faire les dépositaires contraints par toutes voies, ce faisant ils en demeureront bien et valablement deschargés, et pour l'exécution du présent arrêté, seront toutes lettres nécessaires expédiées.
 Signé : Boucherat, Defourmy, de la Reinie, de Marillac, d'Aguesseau, Ribeyre, de Harlay, Le Blanc, de Camus, de Frienbert, Canny et Pont-Carré.
 Du treizième jour de juillet mil six cent quatre-vingt quinze, à Paris."
Collationné par nous garde général des archives du royaume, sur la minute étant au dépôt de la section judiciaire des dicts archives. En foi de quoi nous avons signé et fait apposer le sceau des archives du royaume.
 Paris, le 7 janvier 1845,
 Signé : Létronne.
En 1846 un décret du roi ayant prononcé la désunion des Maladreries, Vignacourt rentra en possession de ses biens et revenus et organisa un bureau de bienfaisance, qui permit aux administrateurs de secourir un plus grand nombre de familles pauvres.
Les biens, qui ne comprennent pas moins de 75 hectares 83 ares 23 centiares, représentent actuellement un revenu de 5.658 fr.
Nous renvoyons à notre Histoire de Davenescourt, pour de plus amples détails sur l'origine, l'extension et l'administration des maladreries en France. (D. Grenier. Notes manuscrites sur la Picardie, Archives de la commune de Vignacourt.)
Parmi les autres établissements de bienfaisance nous mentionnerons les écoles de filles et de garçons.
La fondation de l'école de filles remonte à l'année 1732. A cette époque l'instruction à Vignacourt était donnée par une institutrice laïque, lorsqu'un chanoine de la collégiale de Saint-Firmin de Vignacourt, M. Denis, voulant procurer à la commune une instruction plus chrétienne, eut la pensée de fonder une maison qui serait dirigée par des religieuses. En conséquence par son testament, en date du 18 avril 1732, il légua "à la communauté des soeurs-maîtresses des écoles charitables et gratuites du saint Enfant Jésus, dites Soeurs de la Providence, établies à Rouen par le R. P. Barré, religieux Minime, rue de l'Epée, 29 à 30 journaux de terres labourables, plus une somme de 4.053 livres placée tant au denier 20 qu'au denier 50, à la charge et condition, par ladite communauté, d'entretenir deux soeurs pour y tenir gratuitement les écoles de filles."
Un bail de 9 ans passé par la commune le 25 janvier 1739, constate l'adjudication des terres au prix 10.607 livres 7 sols, par devant Antoine Magnier, procureur d'office du temporel, fief et seigneurie de l'église collégiale et paroisse Saint-Firmin, le martyr de Vignacourt, au défaut de feu Louis Bourdon, à la requête de MM. les doyen, chanoine et Chapitre de la collégiale dudit Vignacourt, comme en lieu et place de la communauté de l'Enfant Jésus de Rouen, pour les biens légués à cette communauté par le testament de feu Louis Denis, vivant, chanoine de ladite église, du 18 avril 1732, ladite communauté ayant répudié lesdits biens légués par acte du 10 mars 1736, passé à Rouen. (Arch. départ.)
Pendant bien longtemps la maison d'école n'eut qu'un seul appartement pour les deux classes établies, mais en 1770, l'administration fit bâtir un nouveau local pour séparer les classes. Plus tard, en 1847, le nombre des enfants allant toujours croissant, la maison d'école se trouva trop petite et le Conseil municipal vota les fonds nécessaires pour la construction d'une maison d'école et le traitement de deux nouvelles religieuses. (Arch. départ. Cartulaire de la collégiale Saint-Firmin. -- Arch. municip.)
Les garçons ne furent pas moins privilégiés que les filles. En 1849, Mademoiselle de Cormon, de Tilloloy, dont la seule ambition était de faire partout le bien, dota la commune de Vignacourt d'une école dirigée par les Frères de la Doctrine chrétienne, et laissa pour cette oeuvre de bienfaisance la somme de 20.000 francs. La commune, heureuse de seconder les vues de la bienfaitrice, accepta cette somme avec reconnaissance et fit construire, en 1858, la superbe école qui fait l'admiration des connaisseurs. (Arch. communales.)

introduction
I. origine, situation, division territoriale, foires et marchés, etc.
II. Vignacourt sous les Normands et les Croisades. (879-1096-1250.)
III Vignacourt pendant les sièges de Picquigny, Amiens et Corbie. (1470-1597-1636.)
IV Vignacourt sous les chevaliers de Malte. (1601-1697.)
V. Etablissement de la commune à Vignacourt.-- Administration.
VII. Paroisse et Doyenné de Vignacourt.
VIII. Chapitre de Saint-Firmin de Vignacourt.
IX. L'église de Vignacourt.
X. Seigneurie de Vignacourt.

 

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