Cinq longues années s'étaient écoulées depuis
qu'on avait quitté la vieille Eglise pour entrer dans l'Eglise provisoire.
Tant que la nouvelle construction ne fut pas achevée, on supporta
ce provisoire, et ici, on doit le déclarer, car tous ont été
amenés à faire cet aveu, il a rendu un très-grand service,
mais quand on vit terminée cette belle Eglise qu'on venait visiter
de tous côtés, ce ne fut plus qu'un immense désir d'en
ouvrir les portes et de l'inaugurer pour le service divin.
Enfin, rien ne mettant obstacle à l'entrée et à la
prise de possession de l'édifice, puisqu'il est terminé et
que le légataire s'engage à payer tous les frais de sa construction,
le Dimanche 24 juin 1877, fête du saint Précurseur de N.-S.
J.-C., il est annoncé au prône que le Dimanche suivant, fête
des SS. apôtres Pierre et Paul, auraient lieu l'inauguration et la
bénédiction de l'Eglise.
Il n'était pas possible de faire l'annonce d'une nouvelle plus agréable,
ce fut comme un réveil de toute la population. Après cinq
longues années d'attente, on comprend facilement l'allégresse
du pays, impatient de jouir enfin de son Eglise que tous appellent la Cathédrale
de Vignacourt, et puis la coïncidence de ces fêtes parut de très-bon
augure et ne pouvait présager qu'une fête complète.
La grande fête était donc annoncée et le Dimanche suivant,
1er juillet, le nouveau Temple devait être disposé pour l'importante
cérémonie tant désirée.
Il n'y avait pas encore le plus petit meuble et on n'avait que six jours,
mais la joie d'entrer dans l'Eglise sembla doubler les forces.
Les trois cloches que possède Vignacourt depuis 1822, vinrent
occuper la nouvelle place que, sans doute, elles ne devront plus quitter.
Voici l'inscription que portent ces trois cloches :
1re cloche, ou la petite :
" L'AN 1822, J'AI ETE BENITE PAR MONSEIGNEUR JEAN-PIERRE DE GALLIEN
DE CHABONS, EVEQUE D'AMIENS, ET NOMMEE MODESTE-GENEVIEVE PAR MAITRE ANTOINE-MODESTE-ANGILBERT
BRAILLY, CURE DE VIGNACOURT, ET PAR DAME GENEVIEVE -SCHOLASTIQUE PECQUET,
EPOUSE DU SIEUR BENOIT-GUILLAUME-FREMONT, 1er ADJOINT AU MAIRE DU
DIT VIGNACOURT.
2e cloche, ou la moyenne :
L'AN 1822, J'AI ETE BENITE PAR MONSEIGNEUR JEAN-PIERRE DE GALLIEN DE CHABONS,
EVEQUE D'AMIENS ET NOMMEE SOPHIE-ADELAIDE-HONOREE, PAR MONSIEUR ISIDORE-GILBERT-HONORE
GODARD-DUBUC, CHEVALIER DE L'ORDRE ROYAL DE LA LEGION D'HONNEUR, SOUS-INTENDANT
MILITAIRE DE LA MAISON DU ROI, ET PAR DEMOISELLE SOPHIE-FREMONT.
3e cloche, ou la grosse :
L'an 1822, J'AI ETE BENITE PAR MONSEIGNEUR JEAN-PIERRE DE GALLIEN
DE CHABONS, EVEQUE D'AMIENS, ET NOMMEE ANTOINETTE-APPOLINE PAR MONSIEUR
NICOLAS-ANTOINE-CHARLES DARGENT, CHEVALIER DE L'ORDRE ROYAL DE LA LEGION
D'HONNEUR ET MAIRE DE LA VILLE D'AMIENS, ET PAR DAME MARIE-FRANCOISE-APPOLINE
THUILLIER, EPOUSE DU SIEUR PIERRE-JOSEPH LEFEBVRE, MAIRE DE VIGNACOURT.
Le Maître-Autel qui avait été posé en Juillet
1867, dans la vieille Eglise, vint prendre la place d'honneur pour laquelle
il avait été fait.
L'orgue, présent de M. Godard-Dubuc, la chaire, les confessionnaux,
les bancs de l'ancienne Eglise, étonnés de se trouver en si
beau lieu, arrivèrent chacun à leur place pour rendre leur
service accoutumé. Tout allait donc pour le mieux, et tout fut prêt,
et la cérémonie annoncée, s'accomplit le Dimanche 1er
juillet, en la Solennité des SS. Apôtres Pierre et Paul, avec
une grande pompe et tout l'enthousiasme d'un peuple qui voyait enfin accomplis
ses vux les plus ardents.
On ne peut mieux raconter cette brillante journée qu'en reproduisant
l'article suivant qui a été publié dans le journal,
le Mémorial d'Amiens, à la date du 11 juillet.
VIGNACOURT. -- On nous écrit :
9 JUILLET 1877.
MONSIEUR LE REDACTEUR
Permettez-moi de recourir à la publicité de votre estimable
journal pour faire connaître le fait suivant qui ne doit pas passer
inaperçu des feuilles de la ville d'Amiens et même de la Semaine
religieuse du Diocèse.
Le 1er juillet dernier, avait lieu à Vignacourt la bénédiction
et l'inauguration d'une des plus splendides églises du Diocèse
après la Cathédrale d'Amiens.
Ce monument est dû à M. l'architecte Deleforterie dont le talent
est connu de tout le nord de la France, faire l'éloge de l'édifice
serait chose superflue, le nom de son auteur suffit pour établir
sa réputation.
Mais ce qui est moins connu, c'est que cette Eglise dont la construction
a coûté près de trois cent mille francs, est le don
d'un enfant de Vignacourt, le généreux M. Godard-Dubuc, aujourd'hui
décédé, pour la plus grande partie de la dépense,
et pour le surplus, de son ami et exécuteur testamentaire, M. Decamps.
Ainsi, dans un siècle d'incrédulité, et j'oserai dire,
d'égoïsme, il s'est rencontré successivement deux hommes,
résidant à Paris, presqu'inconnus à Vignacourt, qui
n'ont pas hésité à doter une paroisse de près
de quatre mille habitants, d'un temple magnifique pour la construction duquel
la Commune n'a pas eu un sou à débourser.
Donc, le 1er juillet, dès l'aube, toute la population de Vignacourt
envahissait la nef de l'Eglise ouverte pour la première fois au public.
Le Curé de la paroisse délégué par Monseigneur
l'Evêque d'Amiens bénissait le monument en attendant sa consécration
solennelle qui aura lieu dans quelques mois.
Après l'Evangile de la messe, M. le Curé monta en Chaire et,
par des paroles pleines d'éloquence et de cur, rendit un juste hommage
aux donateurs et à l'architecte.
Un Te Deum, répété par un peuple enthousiasmé,
termina cette fête brillante à laquelle un personnage, remarqué
de tous, brillait par son absence, tant il est vrai que rien n'est complet
dans ce monde, même lorsqu'il s'agit d'une uvre populaire entre toutes
dont le souvenir se transmettra aux générations à venir.
UN TEMOIN.
INTRODUCTION
EGLISE DE
VIGNACOURT, SA RECONSTRUCTION
BENEDICTION
DE LA PREMIERE PIERRE DE L'EGLISE
MORT
ET FUNERAILLES DE M. GODARD-DUBUC Fondateur de l'Eglise de Vignacourt
CONSECRATION
DE L'EGLISE, LE 2 OCTOBRE 1878