VIGNACOURT

RECONSTRUCTION DE L'EGLISE
et
FETES QUI L'ACCOMPAGNERENT

1879.


 


L'apparence de belle santé que nous avions été heureux de constater dans le généreux bienfaiteur de Vignacourt au beau jour de la fête  du 29 septembre, nous donnait l'espoir qu'il avait encore quelques bonnes années de vie, malgré ses 82 ans ; quand, à cette époque de l'année où la nature ressuscitée reprend toute sa vie et où il semble que la vieillesse, épargnée par la saison rigoureuse, ait droit encore, cette année, à la jouissance de toute la belle saison, le jour de la fête de l'Ascension, 22 mai 1873, l'alarme fut jetée dans le pays : "M. Dubuc est gravement malade ! L'architecte est à Vignacourt, il a de mauvaises nouvelles !"
M. Deleforterie partait aussitôt pour Paris, accompagné de M. Danzel chez qui M. Dubuc avait depuis longtemps l'habitude de descendre, quand il venait à Vignacourt.
Cependant on se plaisait à croire que le danger était encore loin, quand, le samedi matin, la poste apportait la douloureuse nouvelle que le bienfaiteur de Vignacourt n'était plus.
Dès le dimanche précédent, 18 mai, M. Dubuc se sentant fort malade, avait appelé M. le Curé de Saint-Roch qui le vit plusieurs fois pour ses devoirs religieux, et le jeudi suivant, 22, à l'heure où nous apprenions sa maladie, M. Godard-Dubuc entrait dans son éternité, il venait de commencer sa 83e année.
Le dévouement que M. Godard-Dubuc montra toujours pour son pays, tant par les services particuliers qu'il rendit à ses compatriotes que par les services généraux à la commune et notamment à la reconstruction de l'Eglise, avait fait deviner qu'il ne voudrait pas reposer, après sa mort, sur une autre terre que celle qui l'avait vu naître et avec ses chers compatriotes qu'il avait tant aimés.
Le deuil public honora et embellit bien plus les funérailles du glorieux défunt que tout l'éclat des pompes que nous aurions voulu déployer.
La dépouille mortelle de M. Dubuc quittait Paris dans la nuit de samedi à dimanche et arrivait à Amiens dans la matinée, pour reprendre bientôt le chemin de Vignacourt.
Après la Grand'Messe, la procession s'organisa pour aller recevoir les restes mortels de celui que, huit mois auparavant, nous étions allés recevoir avec tant de joie et de bonheur.
Tous les enfants des catéchismes et des écoles sur deux rangs, la Compagnie des Pompiers, le Clergé, le Conseil municipal et le Conseil de Fabrique, que suivaient les ouvriers de l'Eglise avec une bannière aux emblèmes funèbres, allèrent jusqu'à l'entrée du pays où le char de la mort les attendait déjà.
Quand les habitants aperçurent ce noir chariot qui semble pleurer son fardeau, quand on entr'ouvrit cette porte qui ne montrait qu'un cercueil, leurs pensées se reportèrent facilement vers cet autre dimanche, 29 septembre, où un char triomphal amenait au milieu de ses joyeux compatriotes, à cette même heure, celui que nous avions le deuil de ne plus recevoir que dans une bière.
Après la prière liturgique qui, en pareille circonstance, est comme le salut de la vie à la mort, le cortège reprit  sa marche.
Le silence profond de la foule respectueuse et triste n'était guère interrompu que par la prière de l'Eglise, qui prend alors, pour ses enfants qui ne sont plus, ses accents les plus tendres et les plus suppliants.
Le corps fut déposé pour y passer quelques heures, et pour la dernière fois, dans cette maison où, depuis de longues années, il avait reçu une si sympathique hospitalité.
Pendant cet intervalle, depuis midi jusqu'à l'heure de la levée du corps pour l'office, un grand nombre allèrent lui présenter l'hommage de leur douleur en déposant une prière sur le cercueil vénéré.
Vers trois heures, eut lieu la levée du corps, puis l'office des morts. Quand furent terminées ces prières si majestueuses qui expriment si vivement dans tous leurs accents la vie de l'éternité et distribuent en même temps aux vivants les enseignements les plus graves et les plus salutaires, le cortège se reforma pour conduire à sa dernière demeure celui pour qui l'Eglise venait d'adresser à Dieu ses plus instantes supplications.
Mais, avant d'aller prendre possession de cette dernière habitation, il était juste que le cher défunt fit sa dernière station dans cette Eglise qu'il a vu commencer et qu'il aurait été si heureux de voir terminer.
Quand le cercueil fut déposé à cette même place où, huit mois auparavant, M. Godard-Dubuc était assis, heureux et plein de vie, présidant la grande fête du 29 septembre ; quand on vit cette foule innombrable, qui était accourue même des environs pour rendre un dernier hommage à celui dont on avait pu apprécier le dévouement et la générosité, c'est alors que l'on se prit à comprendre mieux la perte que le pays venait de faire.
Et là où l'on s'était promis de chanter le cantique de la reconnaissance et de la joie, ces murs qui s'élèvent n'entendirent que les gémissements de la douleur et les souhaits du repos éternel.
La vue de ce cercueil, au milieu de l'uvre inachevée et qui était comme l'adieu suprême du donateur à sa chère Eglise, impressionna singulièrement l'assistance et il serait bien difficile d'exprimer les sentiments qui la remuèrent, quand elle vit sortir, pour ne plus rentrer, celui qui avait voulu faire à son pays cet incomparable présent.
Après cette dernière station bien légitime, le cortège funèbre reprit sa marche funèbre vers le cimetière, terme dernier où vient finir toute existence.
La dépouille mortelle de M. Godard-Dubuc, dont le désir fut toujours de reposer avec les siens dans le cimetière du pays natal, en attendant que l'on pût exécuter ses volontés pour sa sépulture, fut déposé provisoirement dans le caveau de cette même famille qui l'avait reçue et qui demanda de lui donner encore, pendant quelque temps, cette hospitalité qu'elle avait été heureuse de lui offrir aux beaux jours où le vénéré défunt se faisait une fête de venir visiter le pays qu'il n'a jamais cessé d'aimer.
Après les derniers accents de la prière et les derniers souhaits de paix et de repos éternel, M. Copin, maire de Vignacourt, se faisant l'interprète des sentiments de ses administrés, prononça sur la tombe du vénéré défunt des paroles de reconnaissance et de regrets dont cette lugubre cérémonie n'avait pu que faire sentir et apprécier davantage les justes motifs.

Le donateur de l'Eglise qui en était, en même temps, le directeur, n'est plus !
Chère Eglise ! si jeune encore, laissée orpheline !
Ah ! sans doute, l'intérêt auquel elle a droit, lui donnera des tuteurs dévoués qui auront à cur de continuer l'uvre si heureusement commencée et de se substituer, en toute sollicitude, à celui que la mort vient de ravir.
Après tout, le dévoué et intelligent donateur a dû prévoir les éventualités de l'avenir et y pourvoir ; il n'y a donc rien qui ne puisse entièrement rassurer, et bientôt devant la teneur du testament, il n'est plus possible de garder aucune crainte.
Les Ediles de Vignacourt peuvent donc se rassurer avec tout le pays et se mettre en toute confiance et ardeur à la direction de l'uvre dont les fonds assurés ne peuvent manquer.
Les dispositions testamentaires sont précises et l'intention du légataire de ne changer en rien  les volontés de celui dont il prend la place, n'est pas douteuse. Son respect pour son vieil ami, ainsi que son titre de légataire lui en font un consciencieux devoir. Confiance donc pleine et entière en M. Eugène Decamps, légataire universel de M. Dubuc !
Cette confiance, M. Decamps saura la mériter et ne tardera pas à en donner d'éclatants témoignages.
Il savait fort bien et il n'avait pu oublier que M. Dubuc, dans une visite qu'il faisait à Vignacourt, avait commandé une chaire pour l'Eglise et qu'il n'en avait différé l'exécution que par la suite de son projet de reconstruction.
Il maintient cette chaire et assure la somme nécessaire à cet effet
Outre l'Eglise dont il avait voulu seul faire les frais, M. Dubuc voulait encore doter son pays natal d'une maison de charité "desservie par des Surs de Charité" (c'est le terme employé dans le testament). Mais la somme destinée ou nécessaire pour cette maison n'étant pas spécifiée dans le testament, le légataire, s'inspirant toujours des intentions et des désirs de son ami, remet à la commune de Vignacourt la somme de 100.000 francs pour cet établissement appelé à rendre de nombreux services à la cause souffrante et nécessiteuse qui doit principalement en bénéficier.
Il faut donc reconnaître, ici, que chacun à sa part dans les intentions charitables et prévoyantes de l'insigne bienfaiteur de Vignacourt, les pauvres, les malades, les infirmes, les enfants et leurs maîtres eux-mêmes, personne n'est oublié.
Où trouver tant d'avantages réunis pour une commune ?
Tout va donc pour le mieux, et Vignacourt, poussé par les vents les plus favorables, pourra marcher à grands pas, dans la voie du progrès et des améliorations les plus avantageuses.
 

INTRODUCTION
EGLISE DE VIGNACOURT, SA RECONSTRUCTION
BENEDICTION DE LA PREMIERE PIERRE DE L'EGLISE
INAUGURATION ET BENEDICTION DE LA NOUVELLE EGLISE
CONSECRATION DE L'EGLISE, LE 2 OCTOBRE 1878
 


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